Qu’est-ce qui souvent se dissimule lorsqu’on réagit trop vite, qu’on est à fleur de peau, que les émotions qui nous traversent nous semblent disproportionnées ?
La psychothérapie s’adresse à un vaste éventail de personnes et de situations. Ce que l’on observe pourtant fréquemment, c’est la portée durable des traumatismes apparaissant en arrière-plan d’une partie très substantielle des motifs de consultation.
Les traumatismes sont inscrits souvent pour longtemps dans nos attitudes, restant pour la plupart irrésolus tant on s’est habitué à les prendre pour notre « personnalité ». Cependant, de nombreux comportements sont transformables de telle sorte que nos relations et notre vie pourraient en être considérablement améliorées, et une grande partie d’entre eux relèvent de traumatismes précoces. Je les ai sélectionnés ici car, pour une grande majorité du public, le mot ‘traumatisme’ recouvre une réalité circonscrite à quelques cas isolés. Mon expérience professionnelle et personnelle tend à me montrer qu’hélas, elle est bien plus étendue.
Les traumatismes d’enfance
Comme elle bien mal partagée cette fameuse résilience ! Il n’y a guère d’égalité devant la santé et la force psychique. Certains disent avoir trouvé des palliatifs ou bien même l’issue à leurs douleurs d’enfance. Pour les autres en revanche, même lorsque les rides se sont installées sur leur front, ils restent désarmés.
Les traumatismes d’enfance agissent malgré nous, envers et contre notre volonté, envers et contre toute logique, envers et contre. La colère ou même la rage trouvent encore trop souvent un exutoire à la faveur d’une peccadille que d’autres traiteraient avec humour. Par désarroi ou honte, l’angoisse isole. Les braises qui pourraient encore attiser le feu de la vie sont étouffées par la tristesse. Aux moindres bribes de liberté individuelle l’addiction s’accroche. Tournée vers les autres ou contre soi, la destruction donne la sensation de perdre la raison.
Parmi les blessures les plus fréquentes, l’abandon, le rejet, l’humiliation, la trahison et l’injustice sont celles qui peuvent générer un traumatisme quand la situation dans laquelle elles ont été vécues est dite inachevée. Ces sentiments font partie de la panoplie des déceptions les plus fréquemment ressenties. Or lorsqu’elles nous font beaucoup souffrir, c’est souvent parce qu’elles font écho à une expérience vécue même il y a très longtemps. L’enfance est à la fois une époque bénie et celle où les blessures peuvent plus profondément s’inscrire. Même si la situation génératrice de ces blessures peut, des années plus tard, nous sembler ridicule, pour l’enfant que nous étions elle était un drame et a profondément marqué notre rapport à l’autre et au monde et bien entendu à nous-même. Nous nous sommes construits avec ce rapport, durant de longues années, tant et si bien qu’il a façonné notre psyché, notre mental et jusqu’à nos perceptions qui en ont été altérées.
Je mentionnais plus haut la notion de situation inachevée. Que les parents se rassurent, un enfant ne va pas être traumatisé parce qu’il a été réprimandé et en a rougi. Il traversera ce moment de son éducation si on lui explique avec un langage qu’il peut comprendre, pourquoi il y a eu sanction et que, par ailleurs, le contexte est aimant et soutenant. Le problème peut surgir quand le traumatisme n’est ni vu, ni entendu, ni accueilli et qu’il n’a pas permis à celui qui en est la victime de le métaboliser en parlant ou en exprimant sa blessure d’une façon ou d’une autre en présence d’un adulte qui l’accueille avec bienveillance.
Quand, en revanche, pour une raison ou une autre, une blessure subsiste, elle laissera des traces au travers de comportements d’échec, de répétitions d’attitudes qui mènent à l’impasse. Un sentiment d’incompréhension peut alors perturber la vie plus ou moins profondément.
C’est loin, très loin dans les situations inachevées de l’enfance que la genèse se trouve. Ressasser les souvenirs n’est plus depuis longtemps porteur de réponse. Alors que donc aller chercher si loin ? Le faut-il ? Et comment ?
Se tourner vers l’aide de l’autre est déjà signe de santé et de ressources. Lorsqu’on peut sentir que la guidance s’impose c’est un atout majeur. Nous avons besoin de passer par l’autre, pour nous regarder autrement, nous sentir plus finement, entendre ce qui nous est devenu inaudible. Le thérapeute averti et éprouvé par son expérience et son chemin personnel, son écoute subtile, son intuition et sa sagacité, mais aussi sa chaleur discrète et sûre nous guide pour découvrir en nous nos propres réponses. La Gestalt Thérapie et le travail psychocorporel permettent de rendre accessible la lumière, ce qui est, pour l’homme meurtrie ou la femme souffrante, une fenêtre entre-baillée dans un sombre cachot.